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vendredi 6 mars 2009, par
Article extrait du numéro spécial de la Lettre du GRAINE n°18 "Éducation à l’environnement pour tous et partout, tout au long de la vie"
Article de Mélanie BROCHET [1]
Lorsqu’il a fallu définir la problématique du mémoire de la licence professionnelle, les parcs zoologiques étaient pour moi une évidence. J’ai découvert ces lieux et leur fonctionnement lors de mes années de BTS et j’ai saisi l’occasion de ce mémoire pour les explorer encore plus. Je désirais savoir si les parcs zoologiques étaient perçus par le public comme un divertissement populaire ou comme un lieu de sensibilisation à la biodiversité. J’ai dû rapidement faire face aux oppositions de certains de mes collègues de licence. Le zoo représentait en effet la souffrance des animaux, conséquence de leur enfermement. Comment pouvais-je y voir là un potentiel lieu d’éducation à la biodiversité, à la vie ? J’ai donc commencé mes recherches : histoire des parcs zoologiques, évolution architecturale des lieux, la pédagogie en parc zoologique et enfin, les rapports homme/animal que le zoo révèle. Le mémoire a cette double fonction de validation de la licence mais également de nous poser, en tant que futurs éducateurs/médiateurs, face à une problématique réelle.
L’animal en parc zoologique a été longtemps perçu de diverses manières selon les époques : d’objet de fortune à être vivant doté de capacités intellectuelles, on aperçoit une évolution dans ces rapports homme/bête. Cependant, bien que les parcs zoologiques contemporains aient amélioré les conditions de captivité des animaux, notamment grâce aux études d’éthologie ou de médecine vétérinaire, les animaux restent gérés par l’homme, pour l’homme. Paradoxalement, alors que les zoos tentent de sauver des espèces et donc la vie, ils ont la main mise sur leurs animaux. L’agencement d’un parc zoologique doit répondre aux besoins des animaux bien entendu mais surtout aux attentes des visiteurs. Il apparaît là la fonction principale des zoos : le divertissement. Car, malgré les nouvelles missions données aux zoos - divertissement, sensibilisation, recherche et conservation - ces derniers et tout particulièrement les zoos privés se doivent d’attirer sans cesse le public au risque de devoir fermer leur établissement et surtout, au risque de ne pouvoir financer des projets sur la conservation des espèces. C’est une difficulté à laquelle ces établissements doivent faire face : la conservation et le divertissement.
Les zoos sont effectivement contraints d’apporter de la nouveauté au public, faute de quoi ils semblent ne pas évoluer et sont susceptibles de perdre les visiteurs fidèles. Mais encore une fois, il ne semble pas aisé pour les parcs zoologiques de concilier leurs quatre missions. Il faut parfois dire non à l’arrivée d’une espèce rarissime pour que le public puisse continuer de contempler ses chouchous tout en sachant que les entrées des visiteurs peuvent financer des programmes pour l’espèce rarissime en question. Tout comme un parc d’attraction, le parc zoologique doit régulièrement innover dans la présentation des espèces et dans l’utilisation qu’il peut en faire. Faute de quoi, le public se lasse et a le sentiment de toujours voir les mêmes choses. Le Tigre blanc si demandé du public car « blanc » donc rare est le résultat d’une mutation génétique que les zoos conservent dans l’unique but d’attirer du public.
Alors la question se pose : sensibiliser dans un parc zoologique est-il pertinent lorsque l’on a en face de nous des animaux parqués et gérés par l’homme ? Est-il possible de vouloir interpeller les visiteurs dans un milieu à priori de type carcéral ?
Mes expériences au sein des parcs zoologiques m’ont prouvé une chose : ils peuvent être de véritables lieux d’éducation à la biodiversité. Non seulement, il y a tout un savoir à transmettre sur les espèces dites exotiques au sein des parcs mais il y a aussi toutes les espèces « de chez nous » qu’il est important de faire connaître. En effet, j’ai pu observer des hérons pêcher dans la mare entourant l’île aux siamangs, j’ai vu naître des grenouilles rousses et vertes dans la mare servant d’abreuvoir pour les herbivores africains ou encore j’ai vu un couple de mésanges nicher dans le bâtiment des kangourous, y trouvant nourriture et abri. Ce sont des exemples parmi tant d’autres qui me font croire que le parc zoologique peut être un support d’éducation à la biodiversité. L’autre interrogation se pose dans la manière de le faire. Trop souvent, l’information, la sensibilisation se font de manière transmissive voire passive. Les visiteurs lisent les quelques informations des panneaux disposés devant les enclos et les enfants, venus dans le cadre scolaire ou non, se contentent d’écouter ce qu’on leur dit avec un système de questions/réponses. Le parc zoologique peut pourtant être un formidable terrain à la découverte de la vie par une approche plus « artistique », théâtrale ou encore par l’utilisation de « l’imaginaire ».
L’éducation au sein des parcs zoologiques est encore méconnue et peu explorée en France et je pense que cela vaut la peine que l’on s’y attarde…
Bibliographie :
BARATAY Eric et HARDOUIN-FUGIER Elisabeth. Zoos : histoire des jardins zoologiques en occident (XVIe-XXe siècle). Editions La découverte, 1998. 292 p.
GAY Pierre. Des zoos pour quoi faire ? Pour une nouvelle philosophie de la conservation. Edition Delachaux et Niestlé, 2005. 223 p.
Sites internet :
World Association of zoos and Aquariums : http://www.waza.org
European Association of zoos and Aquariums : http://www.eaza.net
Association nationale des Parcs zoologiques de France : http://www.anpz.org/
[1] Ancienne étudiante en licence professionnelle « médiation scientifique et éducation à l’environnement », à l’IUT de Tours