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jeudi 13 janvier 2011, par
Article extrait de la Lettre du GRAINE n°19, 2010.
Article de Laurent MILLAIR et Véronique SOUCHÈRE
Pour lutter contre le ruissellement érosif : comment réfléchir collectivement ?
Se réunir autour d’une table, et, à partir d’un exemple concret, discuter des actions à mettre en place pour gérer au mieux le ruissellement érosif, c’est désormais possible...
... grâce à un outil construit conjointement par l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA), l’Agence de l’Eau Seine Normandie (AESN), la Chambre d’agriculture de Seine Maritime, l’Association Régionale pour l’Etude et l’Amélioration des Sols (AREAS), le Syndicat Mixte du Bassin Versant du Dun et de la Veules, un élu d’une commune et un agriculteur du Pays de Caux.
Après plus de 30 années de recherche et d’études, les principes du ruissellement érosif, ses conséquences et les méthodes de lutte contre celui-ci sont désormais bien connus. Or dans des régions comme le Pays de Caux, la mise en œuvre de solutions qui ont montré leur efficacité reste encore difficile. Les inondations y restent donc un sujet d’actualité. Il apparaît ainsi que le principal levier à l’action, aujourd’hui, est l’acceptation du changement, c’est-à-dire l’intégration de projets simples acceptés par tous.
L’outil CauxOpération est un jeu de rôle destiné à sensibiliser les acteurs de terrain à la prise en compte du ruissellement érosif dans les bassins versants. La conception de cet outil d’un genre nouveau, impulsé par l’INRA, a démarré en mars 2007 (après différents travaux préparatoires lancés depuis janvier 2006). A cet effet, une méthodologie particulière dite de « modélisation d’accompagnement », définie par le collectif de chercheurs appelé ComMod (http://www.commod.fr), a été appliquée.
Elle a permis de réunir un comité de pilotage se composant de l’INRA, l’AESN, l’AREAS, la chambre d’Agriculture de Seine Maritime, le Syndicat Mixte du Bassin Versant du Dun et de la Veules, un élu d’une commune du Pays de Caux et un Agriculteur.
L’étroite collaboration, la réflexion collective, le partage des savoirs et des représentations ont conduit à la réalisation d’un outil fonctionnel, adapté à la problématique et au territoire sur lequel il est utilisé.
Le jeu de rôle en lui-même a pour base un sous-bassin versant fictif de 675 ha (représentatif, par son parcellaire, son relief et ses occupations du sol des bassins versants du Pays de Caux) et sur lequel 8 joueurs vont intervenir au cours d’une partie : 6 agriculteurs, 1 maire et 1 animateur agricole. Un village situé à l’exutoire du bassin et une route traversant le territoire sont exposés aux risques de ruissellement érosif tout comme les parcelles.
Une partie de jeu se déroule sur 4 années. Les agriculteurs de types différents (patatier, engraisseur, naisseur, laitier et betteraviers) choisissent leur assolement annuel et perçoivent leurs revenus en fonction de celui-ci. Les occupations du sol sont transmises à un ordinateur qui calcule les volumes d’eau ruisselés jusqu’à l’exutoire pour des événements pluvieux prédéterminés, en hiver et en été. Le maire du village est ainsi informé des flux d’eaux boueuses (cartes de concentration) et du mécontentement de ses administrés (dépendant du degré d’inondation dans le village et sur la route).
L’animateur est le référent technique : il a pour charge de conseiller les joueurs sur les actions de lutte à mener contre le ruissellement érosif. L’apparition d’événements pluvieux catastrophiques a pour objectif d’interpeler les joueurs, devant faire face alors rapidement à de très fortes inondations dans le village.
Maire et animateur de bassin versant doivent développer une stratégie sur l’ensemble du territoire afin d’apporter la meilleure réponse au phénomène. La mise en place de cette stratégie passe nécessairement par des concertations et des négociations avec les agriculteurs libres de s’impliquer ou non.
Les principales méthodes de lutte mises à disposition des joueurs sont celles expérimentées directement sur le terrain :
construction de bassins de rétention
mise en place de bandes enherbées
introduction de cultures intermédiaires en hiver pour couvrir les sols nus
déplacements de prairies sur les axes de concentrations et assolements concertés
introduction de techniques culturales augmentant la capacité d’infiltration des sols.
L’outil CauxOpération a déjà été utilisé deux fois en Pays de Caux. Le 2 juillet 2007, des agriculteurs d’Angerville l’Orcher (bassin versant de la Lézarde) et le 3 juillet 2007, des agriculteurs de Luneray (bassin versant du Dun), ainsi que les élus et les animateurs des syndicats de bassin respectifs de chaque zone, ont accepté de se prêter au jeu.
Les parties ont permis de tester différentes stratégies par rapport aux ruissellements. Elles ont été l’occasion de se rendre compte que les techniques actuelles, si elles sont mises en places, peuvent permettre de réduire de manière significative les volumes totaux ruisselés. A titre indicatif, les joueurs sont parvenus à diminuer la quantité totale d’eau ruisselée de 28 à 67 % suivant les périodes (par rapport à la situation où aucune stratégie n’aurait été mise en place).
Les principales techniques utilisées à cette occasion ont été les bassins de rétention, les bandes enherbées, les cultures intermédiaires et le déplacement de quelques herbages.
Ces résultats ont été le fruit, au cours du jeu, de plusieurs réunions de concertation, d’échange d’impressions et d’idées, ainsi que de réunions de négociation de mise en place des projets proposés. Tous se sont accordés pour dire que sans une vision globale et une implication de chacun, rien n’aurait pu être fait.
D’une manière générale le jeu a permis à chacun (agriculteurs comme élu et animateur de bassin) de voir ses propres façons de fonctionner, de s’interroger sur ses pratiques, ses possibilités et ses limites.
Suivant le principe de la démarche de modélisation d’accompagnement, CauxOpération est en constante amélioration. Le comité de pilotage est appelé à se réunir de nouveau afin d’optimiser le fonctionnement et les apports du jeu. De nouvelles pistes d’évolution (scénarios particuliers pour des groupes de travail, formation des animateurs de syndicats de bassin versant, tests sur des territoires réels…) doivent être abordées pour poursuivre activement la démarche de sensibilisation et d’aide à la décision vis-à-vis du ruissellement érosif.
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Cet article a été initialement rédigé pour Confluence, le magazine de l’Agence de l’Eau Seine Normandie, n°47, février 2009 (édité partiellement).
NDLR : Depuis la rédaction de cet article en 2009, trois nouvelles sessions de jeu on été organisées sur le territoire du SAGE Cailly, Aubette, Robec près de Rouen.
D’autres sessions destinées aux acteurs locaux sont en cours d’organisation pour 2011 avec l’aide d’autres syndicats de bassin versant. En parallèle, le jeu est en cours d’utilisation en Seine Maritime avec des étudiants de différents niveaux scolaires (MFR de Buchy, MFR de Coqueréaumont).
Par ailleurs, l’équipe est en cours d’élaboration d’un autre jeu de rôles sur la même thématique, plus axé cette fois-ci sur l’accès au foncier pour les aménagements anti-érosifs et l’urbanisation. Il s’agit de faire là aussi participer des agriculteurs, des élus, des animateurs de syndicat de bassin versant et de syndicat d’eau.
Pour plus d’informations, voir le reportage sur le site de l’INRA
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1 Agronomes à l’INRA, Unité Mixte de Recherche, Département Sciences pour l’Action et le Développement (SADAPT).