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Interview de Patricia Langoutte, directrice des Francas Poitou-Charentes, association membre du CRAJEP.
Septembre 2010
Un an après les Assises régionales des acteurs de l’éducation, de l’environnement, et du développement durable...
Les Francas adhérent de longue date à cette démarche éducative qui vise à mettre en cohérence les aspects sociaux, environnementaux, économiques et culturels du développement. Nous considérons également que la participation démocratique est le ferment de cette démarche.
L’action éducative des Francas se construit sur des pratiques auprès d’enfants et d’adolescents, mais également sur la relation des structures de loisirs à leur territoire.
Les Francas ne sont pas des spécialistes de l’écologie, ni même de l’environnement... et nous considérons en effet que l’EE est l’affaire de tous ! Il s’agit pour nous de conscientiser la notion de responsabilité individuelle et collective dans une perspective de transformation sociale. Ce qui nous intéresse c’est notamment l’action collective.
Il nous semble essentiel que les équipes éducatives envisagent leur action comme une contribution au développement de chaque enfant et à l’apprentissage de la citoyenneté. Cette construction individuelle, vers un citoyen épanoui et investi, ne peut se dissocier des relations instaurées avec le milieu et avec les autres individus.
L’EE nous invite à réinterroger, à re-contextualiser et à spécifier nos démarches
en stimulant davantage la créativité et en diversifiant les approches (éveil sensoriel, travail sur l’expression, connaissance du patrimoine culturel…
en incitant les enfants à sortir du « zapping »
en ancrant les projets vécus au territoire et à la vie quotidienne des enfants
en impliquant les enfants dans la conception et la réalisation des projets qui les concernent.
Enfin l’EE nous amène à repenser la cohérence entre nos projets et nos pratiques, entre la vie quotidienne et l’avenir des populations... dans une perspective de co-éducation.
Pour « le dire et le faire », les Francas (dans le cadre d’un travail collectif) ont élaboré une Charte « Vivre l’ERE en centre de loisirs » qui accompagne les équipes des centres de loisirs dans la réalisation d’un diagnostic local, la formulation de propositions vers les décideurs locaux… Une autre initiative voit le jour actuellement : « les éco-centres, centres à ére ».
Notre engagement dans l’EE traverse autant notre fonctionnement quotidien, nos pratiques d’animation que nos pratiques de formation des acteurs éducatifs…
Les Francas, en tant que membres du CRAJEP ont été associés dès l’origine du projet d’Assises régionales et ont ainsi participé à la définition de la problématique. De plus, l’idée de connecter ces Assises régionales à une journée nationale de l’AGORAJEP autour d’une même problématique était née dans les esprits à la fois au GRAINE et au CRAJEP. Aussi une des 4 journées de rencontre nationale 2009 a eu lieu en région Poitou-Charentes la veille des assises régionales, sur la thématique : « Education Populaire et Développement durable ».
Les Francas ont par ailleurs contribué à l’organisation et à la conduite des travaux.
Nous avons tenté de mobiliser les participants… Nous avons notamment permis à un groupe de stagiaires en formation BAFD de participer à une partie des travaux.
Pourquoi notre implication ?
Cette approche est incontournable pour un mouvement d’Education Populaire
Cet axe éducatif est inscrit depuis l’origine dans le projet des Francas et réaffirmé aujourd’hui (orientation du Congrès, production de références et de supports pédagogiques, valorisation des pratiques auprès des enfants…)
Il y a depuis son origine, une préexistence pratique de partenariat entre « généralistes » et « experts » au sein de notre fédération
La principale difficulté aujourd’hui est que nous avons du mal à prendre la mesure des pratiques des structures qui adhérent à notre fédération, donc nous avons du mal à les valoriser. Nous pourrions croire que les pratiques évoluent peu, alors qu’en aiguisant notre regard, on voit que ce n’est pas le cas.
Le plus important pour nous a été la préparation de ces Assises où nous sommes demandés ce qui était le plus important : proposer des démarches ou poser des questionnements ? Il y a eu débat dans cette phase préparatoire car nous avions des points de vue divergents.
Les Francas n’ont pas opté pour un positionnement « comportemental » : nous refusons de formater les enfants pour qu’ils modifient le comportement de leurs parents.
Il est bien souvent difficile de rassembler les personnes ciblées au-delà des convaincus, d’où l’intérêt du travail en amont.
Pour ces assises, nous avons notamment mobilisé des groupes en formation (stagiaires en BAFD et en BPJEPS) qui ont été bousculés par les questionnements que nous avons posés.
Pendant les assises, nous avons fait le constat que la partie dédiées aux relations avec les institutionnels était restée assez superficielle. Cela révèle encore un raisonnement cloisonné. Quand il n’y a pas de micro, dans la réalité, nous sommes assez peu sollicités par les instituions pour donner notre avis. Ce n’est pas une démarche naturelle de leur côté. Or pour nous, c’est un axe d’orientation essentiel (voir plus loin, ce qui est dit sur le point « affirmer volonté politique »).
Depuis les assises, nous n’avons pas eu contact avec les autres coordinations impliquées.
Peut-être faudrait-il remettre en place des réunions entre coordinations !
Les assises ont produit une envie de se réinvestir mais nous avons peu de projets concrets sur lesquels s’appuyer. En effet les acteurs de notre réseau (les centres de loisirs) étaient peu mobilisés pour ce rendez-vous. Cela nous questionne : La base est-elle prête à s’engager ? Certes, les structures inscrites dans les territoires ne se sont pas exprimées mais nous savons que les besoins existent. Peut-être s’agit-il d’un manque de stimulation.
Les assises ont changé des choses : elles ont requestionné des fonctionnements. Le fonctionnement associatif lui-même est-il une démarche de développement durable ?
On avance d’un petit pas à chaque fois pour nos propres pratiques, mais cela n’a pas vraiment rayonné dans notre réseau de notre propre initiative.
Les Francas ont envie de se remobiliser sur un collectif comme celui du GRAINE Poitou-Charentes, mais nous avons de faibles moyens humains. Le GRAINE est l’espacé idéal pour continuer les débats de la phase préparatoire. C’est une ouverture pour prendre place dans les débats même si nous ne sommes pas spécialistes de la question.
Nos attentes à l’égard du GRAINE :
l’accès facilité à des supports pédagogiques de qualité
la création d’espaces de valorisation des pratiques
la mutualisation des compétences pour la formation des acteurs
la création de « tribunes » pour une expression à caractère politique
Du GRAINE, nous attendons de la ressource, de la richesse en termes de réflexion, et un socle de référence. Car les centres de loisirs ont besoin de formation, de réflexion, de structuration des projets et d’outils et de ressources pédagogiques pragmatiques.
Parmi les avancées, nous notons le dialogue entre différents acteurs, la (re)connaissance mutuelle et un socle d’orientations communes un peu à long terme.
Il est difficile de répondre à cette question car nous ne savons pas ! Les directeurs départementaux des Francas ont des difficultés à repérer toutes les initiatives qui émanent des centres de loisirs adhérents. Nous ne prenons pas, de manière exhaustive, la mesure des initiatives intéressantes qui peuvent être portées. Le repérage s’effectue souvent lorsque nous sommes à la recherche d’une contribution spécifique pour notre revue « Camaraderie »….les remontées ne se font pas de manière spontanée. Nos structures adhérentes n’ont pas la culture de la mutualisation. Chacun pense que ce qu’il fait n’a pas valeur d’exemple…Ils en sous-estiment l’intérêt. Ce frein est constaté quel que soit le champ d’action, cela n’est pas propose à l’EE.
Dans le réseau Ecole et Nature par exemple, il existe une culture de la mutualisation, concrétisée par l’écriture d’ouvrages collectifs. Est-ce parce qu’il y a plus d’enseignants à Ecole et Nature que dans le secteur de l’animation ? Les enseignants ont en effet intégré des pratiques qui passent par la formalisation de démarches, par le compte rendu, par l’évaluation.
Les animateurs ont plus l’habitude de la transmission orale qu’écrite. Ils ont du mal à capitaliser et cela est vrai même au niveau des formateurs. C’est peut-être également un atout qui laisse une plus grande place à la créativité ?! Mais au final, le capital qui demeure n’est pas le reflet de la richesse de ce qui se pratique.
« Affirmer notre volonté politique, investir ou réinvestir les espaces de concertation »
Ce point devrait être inscrit de manière incontournable : il est essentiel ! Peut-être, avec les élus locaux, la concertation est-elle possible et réelle mais à d’autres niveaux, qu’en est-il ?
Nous pensons que la dimension « Education Populaire » doit être mise en valeur dans l’espace public. Ce propos politique doit se nourrir du débat interne à chaque coordination. La qualité et la solidité de notre expression dépendra de la diversité et du degré d’implication des membres. Ainsi les approches pourront être croisées et conjuguées.
Ceci doit se construire au sein des collectifs existants.
« Etre force de propositions en opposition aux « appels d’offre »
Nous sommes peu concernés par cet axe dans notre fonctionnement quotidien. Cependant nous pensons qu’il faudrait en faire autant au niveau de la CPCA : se rassembler pour ne pas se mettre en concurrence et pour lutter contre la logique des appels d’offre.
C’est une question de culture des élus politiques : ils tentent de nous persuader que l’on ne peut pas faire autrement alors que c’est faux. Certaines collectivités ne passent pas par l’appel d’offre et l’assument ! (ex : à Lyon). Il y a un manque de courage politique, en touts cas localement, de la part des élus de la Région et des collectivités.
Nous devons œuvrer sans cesse pour que seule comparaison de la valeur marchande des propositions soit le critère de décision des élus locaux. Nous devons également l’expliquer aux citoyens.
C’est une posture qu’il convient de marteler à tous les échelons !
« Contribuer à l’évolution des critères d’évaluation (qualitative) portant sur les démarches éducatives »
Cet axe nous intéresse… Il nous permet d’apporter une contribution dans le champ de l’action éducative dans le temps libre des enfants. L’aboutissement d’un tel travail nous permettrait d’outiller les équipe éducatives et d’affiner l’évaluation à tous les niveaux : depuis l’action en direction des enfants jusqu’à celle qui concernera le place de la structure dans son territoire. Les centres de loisirs pourraient ainsi voir ce que leurs actions transforment.
Il faudrait un outil spécifique qui permettrait aux équipes de réfléchir à l’évaluation en même temps qu’elles finalisent leurs projets et de consolider la démarche de projet.
« Faire connaitre et valoriser nos compétences »
Dans ce sens, le rapprochement avec le CRAJEP serait intéressant... Nous pourrions également inscrire cette préoccupation dans de multiples coopérations entre membres du réseau : promouvoir mutuellement nos compétences et nos ressources tout autant que vers l’externe. Coopérer et mutualiser plutôt que d’essayer d’être tous compétents sur tout !
En exemple, nous devrions avoir plus le réflexe d’emprunter au centre de documentation du GRAINE, notamment, dans notre cas, pour des actions de formation.
« Se rapprocher du monde la recherche »
Nous adhérons à cette idée. La question de la médiation est intéressante, à mettre en relation avec la dimension pédagogique développée en direction des enfants, dans la complémentarité « Ecole/loisirs ». A l’échelle de notre fédération, il serait intéressant de rendre accessibles aux animateurs des références universitaires ou des questionnements de recherche. Se rapprocher des chercheurs est par ailleurs souhaité par les animateurs : les Exposciences ont un bilan positif ! Mais pour cela, il faut que les chercheurs soient eux-aussi volontaires pour le partage !
Les chercheurs peuvent ainsi nous aider à donner de la crédibilité à la démarche de mouvement complémentaire à l’école en exprimant ce qu’est cette complémentarité. Ils confirmeraient aux animateurs qu’ils sont complémentaires de par leurs compétences mêmes.
La complémentarité réside dans le fait que nous prenons en compte la globalité de la vie des enfants : nous mettons en œuvre l’approche ludique pour réinvestir les connaissances acquises à l’école, et nous prenons le temps de les explorer quand elles sont abordées à l’école. Dans les centres de loisirs, par exemple, nous nous arrêtons un moment sur la question de l’énergie et nous apportons une approche plus globale.
« Revisiter le partenariat »
Cela semble tellement évident le partenariat, mais cela ne se décrète pas. Il faut qu’existent des convergences de problématiques, des questions communes, des objets de travail qui nous rassemblent, voire des luttes, des conquêtes, des défis ! Il faut que l’on partage d’avantage notre actualité et nos préoccupations, pour ainsi pouvoir se dire « mais nous aussi on galère ! » ou au contraire « nous avons bien avancé sur ce point ».
Depuis les assises, je constate que c’est difficile de maintenir un bon niveau d’information réciproque, même en interne à chaque niveau (départemental, régional) !
Il y a une telle densité d’informations qui circulent que nous n’avons pas le temps. Ça passe en général par le relationnel.
Je rêve d’un espace dédié à l’information de chacune de nos associations : un site, un blog, un journal ? Mais c’est une contrainte, une forme de rigueur que nous ne parvenons pas à gérer correctement.